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Tom Charlet-Caumont

 

Twenty-One Capital : une société par action pour investir indirectement dans le bitcoin

Introduction d’un nouveau modèle d’investissement en bitcoin

Le 23 avril 2025, Tether, principal émetteur mondial de stablecoins (cryptomonnaies dont la valeur est arrimée à une devise comme le dollar américain pour limiter la volatilité), et SoftBank, un conglomérat financier japonais réputé pour ses investissements technologiques à grande échelle, ont annoncé la création conjointe d’une entreprise novatrice : Twenty One Capital.

Cette société prend la forme d’une société par actions, c’est-à-dire une entreprise dont le capital est divisé en actions détenues par des investisseurs. Les actions de cette société seront accessibles sur les marchés boursiers traditionnels. La nouveauté réside dans l’objet même de la société : accumuler et détenir des bitcoins comme principal actif, à l’image de l’entreprise américaine MicroStrategy, qui s’est spécialisée dans l’acquisition massive de bitcoins depuis 2020.

Un accès indirect au bitcoin pour les investisseurs

Concrètement, cette structure permettra aux investisseurs de s’exposer au bitcoin sans posséder directement des jetons numériques. Traditionnellement, l’achat de bitcoins nécessite de passer par une plateforme d’échange (comme Binance, Coinbase ou Kraken) et de créer un portefeuille numérique pour stocker ces jetons. Ce processus, bien qu’accessible, reste complexe pour les investisseurs institutionnels ou prudents, notamment en raison des risques de piratage, de perte d’accès aux portefeuilles et des exigences réglementaires.

Avec Twenty One Capital, les investisseurs pourront simplement acheter des actions de l’entreprise sur un marché boursier, comme ils le feraient pour n’importe quelle entreprise cotée en bourse, tout en ayant une exposition indirecte à l’évolution du prix du bitcoin. Cela constitue donc une sorte de "tokenisation inversée" : au lieu de transformer des titres financiers en actifs numériques (comme on pourrait le faire dans le domaine des Real World Assets, les RWAs), on transforme une réserve de bitcoins en parts traditionnelles d’entreprise.

Une capitalisation initiale massive en bitcoins

Lors de son lancement, la société prévoyait détenir plus de 42 000 bitcoins. Pour donner une idée de l’ampleur de cette réserve, cela placerait Twenty One Capital au troisième rang des entreprises cotées les plus riches en bitcoin, derrière des géants comme MicroStrategy et Tesla. La majeure partie de ces bitcoins (environ 31 500) proviendra de Tether et de Bitfinex (plateforme sœur de Tether), tandis que SoftBank y contribuera en échange d’une participation minoritaire dans le capital de la société.

Des indicateurs financiers pensés pour le bitcoin

Pour évaluer la performance de Twenty One Capital, deux indicateurs financiers innovants ont été créés : le BPS (Bitcoin per Share) et le BRR (Bitcoin Return Rate).

Le BPS ou Bitcoin par action

Le Bitcoin per Share (BPS) est un indicateur qui mesure la quantité de bitcoins détenue pour chaque action émise. Par exemple, si le BPS est de 0,01 BTC, cela signifie qu’en détenant une action de Twenty One Capital, un investisseur détient indirectement l’équivalent de 0,01 bitcoin.

Ce ratio permet d’évaluer la valeur sous-jacente réelle d’une action, non pas en dollars, mais en bitcoins. C’est un changement fondamental dans l’approche comptable : l’action ne reflète pas des bénéfices futurs, mais une part de réserve en cryptoactifs.

Le BRR ou Taux de rendement en bitcoins

Le Bitcoin Return Rate (BRR) mesure l’évolution du BPS dans le temps. En d’autres termes, il indique si l’entreprise réussit à accroître la quantité de bitcoins détenue par action, par exemple grâce à de nouvelles acquisitions ou une bonne gestion des actifs.

Ce taux reflète donc l'efficacité de la stratégie d’accumulation de bitcoins, et devient un outil de comparaison entre entreprises similaires. Il remplace les indicateurs traditionnels de rentabilité (comme le rendement des capitaux propres ou les bénéfices par action) en s’ancrant dans une logique bitcoin-native.

Des enjeux juridiques majeurs à anticiper

Ce nouveau modèle d’investissement pose plusieurs questions importantes en droit. D’abord, le statut juridique des cryptomonnaies se distingue partout sur la planète : certaines lois considèrent les cryptomonnaies comme un actif financier, d’autres comme un bien ou une monnaie alternative. Cela complique la façon dont les entreprises doivent les inscrire dans leurs comptes officiels. Ensuite, il faut se demander si, en détenant des actions de Twenty One, les investisseurs ont un droit sur les bitcoins eux-mêmes, et ce qu’il arriverait à ces bitcoins si l’entreprise faisait faillite. Finalement, les dirigeants de la société auront la responsabilité de bien protéger les bitcoins, ce qui change un peu leur rôle habituel, puisqu’au lieu de chercher surtout à faire du profit, ils devront aussi penser à conserver et sécuriser cet actif sur le long terme.

Conclusion

Avec la création de Twenty One Capital, Tether et SoftBank posent un jalon inédit dans l’histoire de la finance : celui d’une entreprise cotée en bourse dont l’unique finalité est d’accumuler un actif numérique. Ce modèle, bien qu’inspiré de MicroStrategy, va plus loin en institutionnalisant l’exposition au bitcoin par des indicateurs financiers dédiés et en offrant une porte d’entrée simplifiée à l’écosystème crypto.

Sources 

  • https://unchainedcrypto.com/why-twenty-one-capital-is-more-about-volatility-than-bitcoin/

  • https://www.businesswire.com/news/home/20250423962305/en/Tether-SoftBank-Group-and-Jack-Mallers-Launch-Twenty-One-a-Bitcoin-native-Company-Through-a-Business-Combination-With-Cantor-Equity-Partners

  • https://www.pymnts.com/cryptocurrency/2025/cantor-fitzgerald-tether-softbank-launch-3-6-billion-bitcoin-investment-firm/

Un article de

Tom Charlet-Caumont, étudiant au baccalauréat en agroéconomie, auxiliaire de recherche à la Chaire de recherche sur les contrats intelligents, la chaîne de blocs et autres technologies émergentes entourant la pratique du droit (Chaire 2.0) - Chambre des notaires du Québec

 

 

Juin 2025, n°2