Tom Charlet-Caumont
Blackrock et BNY Mellon : Vers la tokenisation des actions d’un fonds monétaire de 150 milliards de dollars
Une avancée majeure dans la finance traditionnelle
Le 29 avril 2025, BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, a déposé une demande auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis pour introduire une nouvelle classe d'actions numériques, appelées « DLT Shares » (Distributed Ledger Technology Shares), pour son fonds monétaire BLF Treasury Trust, qui gère environ 150 milliards de dollars d'actifs.
Cette initiative, en collaboration avec la Bank of New York Mellon (BNY Mellon), vise à utiliser la technologie blockchain pour apporter de la transparence au client de BlackRock. Ainsi, BNY Mellon, en tant que distributeur exclusif, utilisera donc la blockchain pour prouver les enregistrements de propriété des actions, offrant ainsi une transparence accrue et une efficacité opérationnelle améliorée.
Un accès numérique aux actifs traditionnels
Les « DLT Shares » permettront aux investisseurs institutionnels d’avoir accès au fonds monétaire BLF Treasury Trustpar l’intermédiaire d’une plateforme numérique, avec un investissement initial d’au moins 3 millions de dollars. Il est important de préciser que ce fonds n’investit pas dans des actifs numériques comme le bitcoin ou l’ether. En réalité, la technologie blockchain est ici utilisée uniquement pour enregistrer la propriété des actions de ce fonds, ce qui constitue une avancée importante vers l’adoption de la blockchain dans la finance traditionnelle : on utilise la technologie blockchain, sans même s’intéresser au token comme bitcoin ou ether.
Cependant, il ne s’agit pas encore d’une véritable tokenisation des actions de ce fonds. En effet, la tokenisation consisterait à émettre directement les actions sur la blockchain sous forme de tokens numériques. Cela aurait pour effet de retirer à BlackRock une partie de son contrôle sur ces actions. Par exemple, une fois les tokens émis sur une blockchain publique, il serait impossible de les supprimer ou de fermer le fonds, car la blockchain est par nature immuable (on ne peut pas modifier ni effacer les données une fois qu’elles y sont inscrites).
Ici, on parle plutôt d’une approche hybride : BlackRock conserve l’intégralité de son pouvoir décisionnel sur le fonds. Elle peut toujours, retirer des actions du marché ou mettre fin au fonds, comme dans un modèle financier classique. La blockchain n’est utilisée ici que comme outil de support pour refléter certaines informations, ce qui permet tout de même d’obtenir plusieurs avantages : plus de transparence, une meilleure sécurité des données, et des coûts opérationnels réduits grâce à l’automatisation et à la traçabilité offertes par la technologie.
Une stratégie alignée avec les initiatives précédentes
Cette démarche s'inscrit dans la continuité des efforts de BlackRock pour intégrer la technologie blockchain dans ses opérations. En mars 2024, la société avait déjà lancé le fonds BUIDL (BlackRock USD Institutional Digital Liquidity Fund), un fonds tokenisé sur la blockchain Ethereum, qui permettait aux investisseurs qualifiés de toucher des rendements en dollars américains en passant par des plateformes numériques, avec des transactions instantanées et plus de transparence.
Le succès de BUIDL, qui gère actuellement plus de 2,5 milliards de dollars d'actifs tokenisés, démontre ainsi l'intérêt croissant des investisseurs institutionnels pour les solutions financières basées sur la blockchain.
Conclusion : Implications pour l'avenir de la finance
L'initiative de BlackRock et BNY Mellon souligne le potentiel de la technologie blockchain pour transformer la gestion d'actifs et les marchés financiers. En utilisant la blockchain pour enregistrer la propriété des actions, les institutions financières peuvent améliorer la transparence, réduire les coûts et accroître l'efficacité opérationnelle.
Larry Fink, PDG de BlackRock, a exprimé son optimisme quant à l'avenir de la tokenisation, déclarant que « la tokenisation des actifs du monde réel pourrait révolutionner l'investissement ».
Alors que la demande est en attente d'approbation réglementaire, cette initiative pourrait ouvrir la voie à une adoption plus large de la technologie blockchain dans la finance traditionnelle, en particulier pour la gestion d'actifs à grande échelle.
Sources
https://www.sec.gov/edgar.shtml
https://www.blackrock.com/corporate/newsroom/press-releases/article/corporate-one/blk-launches-tokenized-fund-on-ethereum
https://www.coindesk.com/policy/2023/12/08/blackrock-ceo-larry-fink-tokenization-will-revolutionize-finance/
https://www.bnymellon.com/
Un article de
Tom Charlet-Caumont, étudiant au baccalauréat en agroéconomie, auxiliaire de recherche à la Chaire de recherche sur les contrats intelligents, la chaîne de blocs et autres technologies émergentes entourant la pratique du droit (Chaire 2.0) - Chambre des notaires du Québec
Juin 2025, n°2