Définition
Un KYC, acronyme de Know Your Customer (« connaissance du client »), désigne un processus de vérification d’identité imposé aux institutions financières et aux plateformes d’échange d’actifs numériques du monde du Web3. Son objectif est de confirmer l’identité d’un utilisateur avant de lui permettre d’accéder à des services impliquant des transactions financières. Le KYC s’inscrit dans un cadre réglementaire destiné à prévenir le blanchiment d’argent, le financement d’activités illicites et l’usurpation d’identité. Il repose sur la collecte et la validation de données personnelles permettant d’établir que l’individu est bien celui qu’il prétend être. L’essor des actifs numériques et des réseaux décentralisés a ainsi étendu l’application du KYC à de nombreux acteurs. Les plateformes d’échange (Binance, Kraken, Coinbase, Revolut), les services de conservation de crypto-actifs (Ledger Recover, UNCX, Gnosis) et certaines applications opérant sur des chaînes de blocs sont désormais tenus de vérifier l’identité de leurs utilisateurs si elles désirent se conformer avec les réglementations des pays de leurs clients. obligations légales.
Principe et fonctionnement
Le processus KYC se déroule en plusieurs étapes successives. L’utilisateur fournit d’abord des informations d’identification, telles que son nom, sa date de naissance et son adresse. Il doit ensuite transmettre des justificatifs officiels, comme une pièce d’identité ou une preuve de résidence. Dans certains cas, une vérification biométrique ou une comparaison photographique est réalisée pour confirmer la correspondance entre le document fourni et la personne. Les données recueillies sont ensuite analysées afin de détecter d’éventuelles incohérences, l’utilisation de fausses identités ou une inscription sur des listes de surveillance. Le prestataire doit également procéder à une évaluation du risque associé au profil de l’utilisateur, laquelle détermine le niveau de contrôle requis. Le processus implique aussi une mise à jour régulière des informations et une surveillance continue des activités afin d’identifier des comportements atypiques ce qui peut parfois être redondant.
Tension avec la philosophie Cypherpunk
L’introduction d’un KYC dans l’écosystème des actifs numériques crée une rupture profonde avec la philosophie initiale de Bitcoin, hérité d’une autre, la philosophie cypherpunk, décrite par Eric Hughes en 1993 dans son “manifeste de la crypto-anarchie”. Conçu comme un système monétaire ouvert, fonctionnant sans intermédiaire et fondé sur un modèle de pseudonymat, Bitcoin permettait à tout individu d’échanger de la valeur sans être identifié, en ayant comme seule attache un pseudonyme, matérialisé par une adresse publique (public key), tout en rendant chaque transaction publiquement vérifiable sur la chaîne de blocs. Cette architecture répondait à l’objectif central du mouvement cypherpunk : protéger la vie privée à l’ère numérique, dans un contexte où l’ensemble des interactions en ligne devient traçable et archivable.
L’imposition de procédures KYC par des gouvernements ou des entités réglementées introduit donc une forme de contrôle extérieure au réseau lui-même. Ce mécanisme associe désormais l’identité civile d’un utilisateur à une adresse publique, ce qui remet en question la nature pseudonyme du protocole. La liberté financière rendue possible par Bitcoin, cette capacité à détenir et transférer son argent sans dépendre d’une autorité centrale, peut ainsi être réduite à néant si l’obligation d’identification permet à un État de surveiller, restreindre ou bloquer l’usage de nos avoirs.
Cette évolution marque ainsi un renversement du modèle initial. Là où Bitcoin offre un espace où l’individu conservait la maîtrise de ses fonds sans médiation, la réglementation tente d’imposer une transparence identitaire qui neutralise cette autonomie. La chaîne de blocs demeure pseudonyme par conception, mais l’association systématique entre identité et adresses transforme ce pseudonymat en simple couche technique, dépourvue de protection effective. Ce décalage illustre la tension entre un protocole conçu pour garantir la confidentialité et un encadrement juridique visant à en contrôler l’usage. Pour les partisans de la philosophie cypherpunk, le KYC apparaît ainsi comme un outil qui rompt avec les principes fondateurs de Bitcoin en permettant à chacun d’exercer son droit financier élémentaire, dépenser son argent librement, sans exposition de sa vie privée et sans contrainte.
Conclusion
Le KYC constitue un dispositif servant à encadrer l’accès aux services financiers et aux plateformes opérant sur des chaînes de blocs. Il permet d’identifier les utilisateurs, de réduire les risques liés aux activités illicites et de garantir une conformité réglementaire d’un espace numérique en plein effervescence. Sa mise en œuvre doit toutefois s’accompagner de mécanismes de protection des données afin de préserver la confidentialité et de maintenir la promesse initiale des systèmes décentralisés fondés sur l’autonomie et le contrôle individuel.