Définition et fonction des EIP

Une Ethereum Improvement Proposal (EIP ou Proposition d’Amélioration d’Ethereum) est un document normatif servant à décrire, de manière formalisée, une modification proposée au protocole Ethereum ou aux normes qui organisent son fonctionnement. Chaque EIP expose la motivation du changement, les spécifications techniques détaillées, les implications de sécurité et les considérations de mise en œuvre. Ce mécanisme constitue le processus officiel de gouvernance technique du réseau : aucune évolution du protocole n’est intégrée sans avoir été préalablement formulée, discutée et évaluée sous la forme d’une EIP. Les EIP permettent ainsi à Ethereum d’évoluer de manière transparente, documentée et consensuelle, sans recourir à une autorité centralisée.

Origine et mise en place du processus

Le système des EIP a été introduit en 2015, au moment du lancement du réseau, en s’inspirant directement du modèle des Request for Comments (RFC) utilisé dans le développement d’Internet. L’objectif était de doter Ethereum d’un mécanisme de coordination ouvert, dans lequel les modifications au protocole seraient discutées publiquement et accessibles à l’ensemble de la communauté. Rapidement, le processus a été structuré autour de catégories distinctes (core, networking, interface et informatives) et d’un cycle précis : rédaction, discussion publique, révision, mise en œuvre expérimentale, puis intégration éventuelle dans une mise à jour du réseau lors d’un hard fork. Ce modèle a permis d’éviter une gouvernance opaque ou centralisée en rendant chaque évolution traçable, argumentée et soumise au consensus social et technique.

EIP majeures dans l’histoire d’Ethereum

EIP-155 (2016)
L’EIP-155 introduit le champ chain ID afin de prévenir les attaques par relecture survenues après le hard fork lié à The DAO. Avant cette modification, une transaction valide sur une chaîne pouvait être réexécutée sur une autre sans le consentement de l’utilisateur. En ajoutant un identifiant propre à chaque réseau, l’EIP-155 a isolé de façon cryptographique les transactions entre chaînes, stabilisant ainsi la sécurité d’Ethereum à un moment critique de son histoire et établissant un mécanisme encore utilisé dans toutes les chaînes compatibles EVM.

EIP-20 (ERC-20, 2017)
L’EIP-20 définit une interface standardisée pour les jetons fongibles, permettant à différents contrats de reconnaître et de transférer des actifs selon un ensemble commun de fonctions. Cette normalisation a rendu possible l’interopérabilité entre applications déployées sur Ethereum et a servi de fondation à l’essor des ICO, de la finance décentralisée et des plateformes d’échange automatisées. En uniformisant la gestion des jetons, l’ERC-20 a transformé Ethereum en une infrastructure capable de supporter un écosystème économique global.

EIP-3675 (2022)
L’EIP-3675 formalise la transition du mécanisme de consensus Proof-of-Work vers le Proof-of-Stake, concrétisée lors de The Merge. Cette évolution met fin à l’activité de minage, réduit drastiquement la consommation énergétique du protocole et unifie la couche d’exécution avec la Beacon Chain. L’EIP-3675 constitue l’un des changements structurels les plus significatifs du réseau, ouvrant la voie à des évolutions impossibles sous le modèle précédent, notamment celles liées à la mise à l’échelle par disponibilité des données.

EIP-4844 (2024)
L’EIP-4844 introduit le proto-danksharding et les blobs, créant un espace de données temporaire distinct de l’historique permanent de la chaîne de blocs. Ce mécanisme dissocie la vérifiabilité des données de leur stockage durable, permettant aux solutions de seconde couche de publier leurs informations à moindre coût sans contribuer à la croissance irréversible de la chaîne. L’EIP-4844 constitue ainsi la première étape concrète vers le danksharding complet, en posant les fondations cryptographiques, économiques et opérationnelles d’une mise à l’échelle durable du protocole.

Conclusion

Les EIP constituent le cadre formel par lequel Ethereum définit, discute et adopte ses évolutions, garantissant une gouvernance transparente fondée sur la justification technique plutôt que sur la décision centralisée. Leur apparition a permis au protocole de se transformer sans rupture, depuis l’introduction de standards fondamentaux comme l’ERC-20 jusqu’aux révisions structurelles majeures telles que The Merge et le proto-danksharding. Les EIP à venir prolongent cette dynamique en orientant Ethereum vers une architecture davantage axée sur la vérification que sur la conservation intégrale des données, assurant ainsi sa capacité d’évolution sans compromettre ses garanties de sécurité ni sa décentralisation.