- Hashrate -
Définition
Le hashrate désigne la puissance totale de calcul mobilisée par un réseau de machine pour résoudre les fonctions cryptographiques nécessaires à la validation et à la sécurisation des blocs d’une chaîne de blocs utilisant un protocole de type Preuve de Travail (Proof-of-Work). Exprimé en hashes par seconde (H/s) et ses multiples (MH/s, GH/s, TH/s, EH/s, ZH/s), il traduit la capacité effective d’un réseau à résister aux attaques et à maintenir un consensus fiable. Le hashrate n’est pas seulement une grandeur technique : il est un indicateur composite, qui associe la sécurité d’une blockchain, la rentabilité économique du minage et la dynamique de participation des mineurs.
Rôle central dans la sécurité
Dans les systèmes de Preuve de Travail (Proof-of-Work), la sécurité repose sur l’impossibilité pratique pour un acteur unique de contrôler la majorité de la puissance de calcul. Plus le hashrate est élevé, plus une tentative d’attaque dite des 51 % devient coûteuse et improbable. Un hashrate en croissance signale donc une barrière d’entrée plus élevée pour les attaquants, tandis qu’un hashrate en déclin peut fragiliser la sécurité du protocole. C’est pourquoi le suivi du hashrate est devenu un indicateur majeur de robustesse dans l’écosystème des cryptomonnaies. Celui de Bitcoin est particulièrement regardé.
Méthode d’estimation
Le hashrate ne peut pas être mesuré directement. Il est déduit à partir du nombre de blocs produits et de la difficulté définie par le protocole. Ce mécanisme d’ajustement de difficulté joue un rôle clé : il garantit une production régulière de blocs malgré les fluctuations de puissance. Ainsi, sur Bitcoin, la difficulté est recalibrée environ toutes les deux semaines, afin que le temps moyen de production d’un bloc reste proche de dix minutes, quelles que soient les variations du hashrate global.
Étude de cas : Bitcoin
Bitcoin est l’exemple central de la corrélation entre hashrate et sécurité. Depuis sa création en 2009, son hashrate a connu une croissance exponentielle, passant de quelques MH/s générés par des ordinateurs personnels à des centaines d’EH/s mobilisant des fermes de minage maintenant devenues industrielles. L’épisode de 2021 est emblématique : lorsque la Chine a interdit le minage sur son territoire, le hashrate de Bitcoin a chuté de près de 50 % en quelques semaines, avant de se rétablir avec la relocalisation des mineurs vers d’autres pays, notamment les États-Unis et le Kazakhstan. Cet événement a démontré à la fois la vulnérabilité temporaire et la résilience structurelle du réseau.
Source : CoinWarz
Étude de cas : Ethereum avant “The Merge”
Jusqu’à sa transition vers la Preuve d’Enjeu (Proof-of-Stake) en septembre 2022, au cours d’une mise à jour du consensus de son réseau appelée "The Merge”, Ethereum fonctionnait aussi selon un mécanisme de validation des transactions en Preuve de Travail (Proof-of-Work) dans lequel le hashrate déterminait la sécurité du protocole. Son évolution a notamment été marquée par une forte croissance parallèle à la valorisation de l’ether ($ETH). La bascule vers un autre mécanisme de consensus a ainsi rendu le suivi du hashrate obsolète pour Ethereum, mais l’historique rappelle que ce paramètre est au cœur de la dynamique économique d’une blockchain tant qu’elle repose sur le minage. Et, même si cette méthode de consensus semble archaïque, elle reste, jusqu’à preuve du contraire, quasi-inviolable.
Dans le monde actuel
Hashrate, concentration et gouvernance
La répartition du hashrate est aussi un indicateur de gouvernance. Même avec un niveau global élevé, une concentration excessive dans quelques pools de minage ou dans une seule juridiction peut constituer un risque. La domination de grands pools comme AntPool ou Foundry USA, ou la concentration historique du hashrate en Chine avant 2021, montrent que la sécurité d’une blockchain n’est pas seulement une question de quantité de puissance de calcul, mais aussi de distributionde cette puissance.
Dimension géopolitique
Le hashrate est également une ressource géopolitique. Les États qui accueillent des infrastructures de minage peuvent capter une part de l’influence économique et stratégique sur un réseau. La migration massive de hashrate hors de Chine en 2021, survenue à la suite d’une interdiction de miner dans le pays, illustre comment des décisions politiques nationales affectent directement la carte mondiale de la puissance de calcul du réseau Bitcoin. Aujourd’hui, les États-Unis concentrent une part importante du minage de Bitcoin, ce qui soulève des débats sur la centralisation et la dépendance énergétique.
D’un point de vue environnemental, le hashrate est intimement lié à la consommation énergétique des blockchains à Preuve de Travail (Proof-of-Work). Plus la puissance de calcul est élevée, plus la consommation augmente, soulevant notamment de fortes critiques environnementales. Cela a conduit certains protocoles à explorer des alternatives comme la Preuve d’Enjeu (Proof-of-Stake) ou des mécanismes hybrides. Toutefois, les défenseurs de la Preuve de Travail (Proof-of-Work), soulignent que la sécurité qu’il procure justifie cette dépense énergétique, à condition qu’elle soit alimentée par des sources renouvelables.
Sécurité d’un réseau, l’attaque 51%
Une attaque 51 % consiste à contrôler temporairement la majorité de la puissance de calcul (le hashrate) d’un réseau Proof-of-Work. Avec cette supériorité, l’attaquant peut produire une branche alternative plus longue et provoquer des réorganisations des blocs d’une chaîne de blocs (reorgs), ce qui permet notamment d’annuler des transactions récentes et d’effectuer des double dépenses (dépenser deux fois ces BTCs).
Sur Bitcoin, une telle opération reste théoriquement possible mais pratiquement dissuasive : réunir et exploiter un hashrate comparable à celui du réseau exige des investissements massifs en matériel, énergie et logistique, et toute montée de puissance significative est immédiatement observable. Les gains exploitables (double spends ponctuels, perturbations) sont limités et sont souvent effacés par la chute de la valeur du BTC et par les réactions rapides de l’écosystème (exchanges exigeant plus de confirmations, gel des dépôts, surveillance accrue).
Enfin, même si l’attaquant perturbe la chaîne, la communauté dispose de ripostes non techniques (coordination sociale, décisions d’acceptation de chaîne, voire fork correctif) qui réduisent l’utilité économique d’une attaque durable. En pratique, une telle attaque est possible, même sur Bitcoin, mais la maintenir dans le temps coûterait plusieurs dizaines de millions de dollars et serait facilement contrecarré par la mise en oeuvre d’un fork par la communauté Bitcoin afin de supprimer les blocs compromis par l’attaque.
Conclusion
Le hashrate est l’indicateur central de la sécurité des chaînes de blocs fondées sur un consensus appelé la Preuve de Travail (Proof-of-Work). Il exprime la puissance de calcul mobilisée par les participants d’un réseau. Plus il est élevé, plus il devient coûteux de perturber le réseau car la puissance de calcul à mobiliser pour y parvenir devient hors d’attente pour une large majorité d’acteurs, ce qui explique pourquoi une attaque 51 % sur Bitcoin, bien que théoriquement possible, est économiquement dissuasive.
Au-delà de la seule sécurité, le hashrate révèle la manière dont un protocole s’ancre dans le monde réel : il traduit l’accès aux ressources énergétiques, les innovations matérielles et les politiques nationales qui favorisent ou restreignent le minage. C’est donc un indicateur global de l’état du monde actuel, qui ne dit pas seulement si une chaîne de blocs est protégée, mais aussi comment elle s’insère dans un tissu économique et géopolitique plus large. Comprendre le hashrate, c’est finalement comprendre la trajectoire sociale et stratégique de la répartition de l’énergie sur Terre.