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- Fork -

 

 

Un fork est une modification des règles du protocole d’une chaîne de blocs qui entraîne une divergence dans l’historique ou l’évolution de la chaîne. À partir d’un bloc donné, une partie des nœuds applique les nouvelles règles tandis qu’une autre conserve les anciennes, ce qui peut conduire soit à une mise à jour compatible, soit à la coexistence de deux chaînes distinctes.

Schéma du fonctionnement d’un fork

Il existe deux types de fork

Le Hard fork

Le hard fork est une modification du protocole non rétrocompatible. À partir du bloc où il s’applique, les nœuds qui suivent les nouvelles règles ne reconnaissent plus les blocs produits selon les anciennes règles, et inversement. Cela conduit à une séparation durable de la chaîne. Les conséquences typiques sont :

  • l’apparition de deux blockchains indépendantes, chacune avec son actif et son évolution propre.

  • la nécessité pour les acteurs du réseau (validateurs, plateformes d’échange, portefeuilles) de choisir quelle version soutenir.

  • des impacts économiques et sociaux importants, tels que la fragmentation de la liquidité ou la division de la communauté.

Exemples : la scission entre Ethereum et Ethereum Classic après The DAO (2016) ou encore la création de Bitcoin Cash à partir de Bitcoin (2017).

Exemple : Le cas de “TheDAO” et la naissance d’Ethereum Classic

En 2016, l’écosystème Ethereum est marqué par l’épisode de TheDAO, un fonds d’investissement expérimental fonctionnant entièrement via des contrats intelligents. En quelques semaines, plus de 150 millions de dollars en ethers y sont déposés, faisant de The DAO l’un des premiers grands cas d’usage d’Ethereum.

Rapidement, une vulnérabilité critique dans le code est exploitée. L’attaquant parvient à détourner environ un tiers des fonds, soit près de 50 millions de dollars au cours de l’époque. Bien que l’architecture d’Ethereum n’ait pas été directement compromise, cet incident met en évidence la difficulté de concilier immuabilité de la blockchain et nécessité de corriger des erreurs majeures.

Face à cette situation, la communauté se divise. Une majorité d’acteurs (développeurs, mineurs, plateformes d’échange) choisit d’activer un hard fork afin d’invalider la transaction frauduleuse et de restituer les fonds aux investisseurs. Une minorité refuse ce choix, arguant que « le code fait loi » (code is law) et que revenir sur l’historique violerait le principe d’immuabilité.

Le résultat est la scission entre deux blockchains :

  • Ethereum (ETH), qui adopte un hard fork et décide donc de faire un “rollback”, c’es-à-dire de revenir en arrière en reprenant la création de nouveaux blocs sur la chaîne à partir d’un segment de blocs construit avant l’attaque de TheDAO.

  • Ethereum Classic (ETC), qui conserve la chaîne originelle avec l’historique du piratage intact.

Ce cas est devenu emblématique car il illustre la nature profondément sociale et politique des forks. Plus qu’une simple divergence technique, il a révélé que les décisions de gouvernance d’une blockchain reposent autant sur les valeurs et les principes défendus par la communauté que sur les mécanismes de consensus eux-mêmes.

Le Soft fork

Le soft fork est une modification du protocole rétrocompatible, une sorte de mise à jour de la chaîne destinée à introduire bien généralement de nouvelles fonctionnalités. Ce genre d’événement peuvent survenir régulièrement lorsque la communautés qui s’articule autour d’une chaîne de blocs prend la décision de modifier certaines règles du protocole. Pour qu’une telle mise à jour soit considérée comme "soft” il est impératif que les nœuds qui n’adoptent pas la mise à jour soient encore en mesure d’accepter les blocs produits pourtant selon les nouvelles règles introduite par la mise à jour. Le risque de scission (de hard fork) est alors faible si une majorité de la puissance de validation applique le changement.
Exemple : Taproot (Bitcoin, 2021) a introduit de nouvelles possibilités tout en préservant la compatibilité.

Exemple : Taproot

En 2021, le réseau Bitcoin active la mise à jour Taproot, déployée sous la forme d’un soft fork. Cette évolution introduit les signatures Schnorr, qui rendent les transactions plus efficaces, réduisent les coûts et améliorent la confidentialité en uniformisant l’apparence des opérations simples et complexes.

Taproot illustre qu’une mise à jour peut être adoptée de manière consensuelle : à la différence de The DAO, elle n’a pas conduit à une scission mais a renforcé la continuité du protocole.

Pourquoi forker ?

Le recours à un fork découle de plusieurs besoins récurrents. Il peut s’agir de corriger une vulnérabilité critique dans le protocole, d’introduire de nouvelles fonctionnalités ou d’ajuster certains paramètres économiques tels que les frais de transaction ou la rémunération des validateurs. Dans d’autres situations, le fork traduit une divergence de gouvernance : lorsque le consensus ne peut être atteint sur l’évolution du protocole, la bifurcation du réseau permet à chaque groupe de poursuivre sa propre vision.

Enjeux d’un fork

Un fork ne se limite pas à une opération technique : il engage des conséquences pour l’ensemble de l’écosystème. Sur le plan opérationnel, il exige une mise à jour coordonnée des nœuds et comporte un risque d’incompatibilité. Sur le plan économique, il peut provoquer une volatilité accrue et, en cas de scission, entraîner la duplication des actifs numériques. Sur le plan social, il peut renforcer l’unité d’une communauté autour d’un projet ou, au contraire, accentuer sa fragmentation. Enfin, sur le plan sécuritaire, un fork mal préparé expose à des attaques telles que le replay si des mécanismes de protection ne sont pas intégrés.

Conclusion

Le fork est un mécanisme essentiel d’évolution des blockchains. Il prend deux formes principales : le hard fork, qui introduit des règles incompatibles avec la version antérieure et peut conduire à une scission durable du réseau (TheDAO), et le soft fork, qui conserve la rétrocompatibilité et permet une transition plus progressive (Taproot).

L’épisode de The DAO et la naissance d’Ethereum Classic illustrent la portée des hard forks : ils traduisent des choix de gouvernance qui dépassent la technique et peuvent façonner durablement un écosystème. À l’inverse, des mises à jour comme Taproot sur Bitcoin montrent que les soft forks offrent une voie plus consensuelle pour introduire de nouvelles fonctionnalités, sans provoquer de rupture.

Ainsi, comprendre les forks revient à saisir la tension permanente entre innovation et stabilité qui s’opère au sein de communautés réunis autour de chaînes de blocs. Leur réussite repose non seulement sur la qualité de la modification technique, mais aussi sur la capacité de la communauté à coordonner ses choix et à maintenir la confiance nécessaire à la continuité du protocole.

Sources

Buterin, V. (2016, 25 juillet). Hard Fork Completed. Ethereum Foundation Blog. https://blog.ethereum.org/2016/07/20/hard-fork-completed/

Narayanan, A., Bonneau, J., Felten, E., Miller, A., & Goldfeder, S. (2016). Bitcoin and Cryptocurrency Technologies. Princeton University Press.

Wuille, P. (2018, janvier). BIP 341: Taproot: SegWit version 1 spending rules. Bitcoin Improvement Proposals. https://github.com/bitcoin/bips/blob/master/bip-0341.mediawiki