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Définition

Un contrat intelligent (ou smart contract en anglais) est un programme informatique déployé sur une chaîne de blocs, dont le comportement est régi par un ensemble de règles décidées à l’avance. Il ne s’agit pas d’un “contrat” au sens juridique du terme, mais plutôt d’un morceau de code créer pour fonctionner de manière entièrement automatisé, à la manière d’un automate. Une fois déployé, un contrat intelligent est ainsi enregistré de façon permanente sur une chaîne de blocs et peut être utilisé publiquement par n’importe quel utilisateur. Il contient des règles écrites, dans un langage informatique appelé Solidity, qui sont automatiquement appliquées sur la chaîne dès qu’une transaction respecte les conditions prévues par ce contrat. Autrement dit, le contrat agit comme un programme autonome : il ne décide de rien par lui-même, mais il exécute exactement ce qui a été prévu, sans qu’aucune personne ou organisation n’ait à intervenir.

Il peut par exemple être programmé pour envoyer un paiement, remettre un jeton ou enregistrer une information dès qu’une condition précise est atteinte. Une fois déployé, le contrat possède une adresse publique sur la chaîne il peut donc recevoir, stocker et transférer des jetons, exactement comme un portefeuille classique, mais avec la différence qu’il agit sans intervention humaine. Chaque action qu’il accomplit doit être validée et enregistrée par le réseau, ce qui garantit sa transparence et empêche toute modification du code après son déploiement. Ce caractère immuable et automatique fait des contrats intelligents constitue la base technique de nombreuses applications décentralisées, applicables à de nombreux domaines comme la finance décentralisée (DeFi), les jetons non-fongibles (NFTs), les organisations autonomes décentralisées (DAO) ou l’émission de stablecoins.

Schéma du fonctionnement d’un contrat intelligent

Source : ChatGPT


Application des contrats intelligents au sein de la finance décentralisée

Les contrats intelligents occupent une place centrale dans l’univers de la finance décentralisée (DeFi). En réalité, l’ensemble de la DeFi repose sur des réseaux entiers de contrats intelligents interconnectés, qui, une fois assemblés, forment des protocoles entièrement automatisés par lesquels transitent aujourd’hui des milliards de dollars. Ces contrats servent à créer des services comme le prêt (lending), l’emprunt (borrowing) ou encore le staking. Leur architecture constitue la base même du code de plateformes majeures telles qu’Uniswap ou Hyperliquid. Leur potentiel est ainsi quasi illimité, un contrat peut contenir n’importe quelle suite d’actions programmées, permettant d’imaginer et de bâtir des protocoles toujours plus complexes et innovants. Les contrats intelligents représentent ainsi la structure fondamentale sur laquelle se construit tout l’écosystème décentralisé.


Controverses entourant l’utilisation de contrats intelligents

Les contrats intelligents sont souvent présentés comme une révolution technologique capable de transformer la manière dont les individus, les entreprises et les institutions interagissent. En éliminant les intermédiaires et en automatisant l’exécution des engagements, ils promettent une finance plus rapide, plus transparente et moins coûteuse. Pourtant, derrière cette vision optimiste se cachent de nombreuses controverses qui touchent à la sécurité, à la responsabilité, à la gouvernance et même à la philosophie du droit.

L’un des débats majeurs porte sur l’immutabilité des contrats intelligents, qui, souvent vantée comme une garantie de sécurité, peut également posé problème. En effet, une fois un contrat inscrit sur la chaîne de blocs, il ne peut plus être modifié. Ainsi lorsqu’une erreur de programmation ou une faille de sécurité est découverte, les conséquences peuvent être irréversibles. Cette absence de recours remet en question le principe même de la réversibilité juridique. Si dans le droit traditionnel, un contrat peut être contesté, modifié ou annulé tandis que dans un contrat intelligent, le code s’exécute, même si le résultat est injuste ou involontaire. C’est pourquoi, afin de contourner cette rigidité, les développeurs utilisent aujourd’hui des contrats “proxy” ou des systèmes de gouvernance on-chain permettant des mises à jour régulières de certaines parties des contrats intelligents déployés, bien que ces solutions sacrifies en retour une partie de la décentralisation des protocoles, puisqu’une intervention extérieure est possible.

En outre, la question de la responsabilité constitue l’un des enjeux les plus débattus entourant l’utilisation des contrats intelligents. Lorsqu’un contrat automatisé provoque un dommage, par exemple une perte de fonds causée par une erreur de programmation, il devient difficile d’identifier clairement le responsable. Le développeur qui a rédigé le code peut être considéré comme à l’origine du problème, mais l’utilisateur qui a choisi de l’exécuter en accepte également les risques. Quant au réseau sur lequel le contrat reposait, il se contente de valider et d’enregistrer les transactions sans exercer de contrôle sur leur contenu. Le droit actuel, notamment au Québec et au Canada, ne reconnaît pas le contrat intelligent comme une entité juridique autonome puisqu’il demeure un instrument d’exécution technique, non un contrat au sens juridique traditionnel. Cette situation alimente ainsi un débat plus large : faut-il adapter le droit pour encadrer ces nouvelles formes d’accords numériques, ou au contraire concevoir le code comme un simple prolongement du droit existant ? En d’autres termes, le code doit-il faire loi, ou se limiter à exécuter la volonté humaine ? Un doctorant de notre chaire à tenter de répondre à ces questions dans cette chronique.


Conclusion

En définitive, les contrats intelligents incarnent à la fois l’une des plus grandes innovations technologiques de la dernière décennie et l’une des plus grandes sources de questionnements quant à la place du droit, de la responsabilité et de la gouvernance dans un monde numérique automatisé. Leur promesse, celle d’un système transparent, efficace et affranchi des intermédiaires,  repose sur une idée séduisante permettant de substituer la confiance humaine par un automate destiné à exécuter un morceau de code de façon perpetuelle. Or, cette substitution apporte également son lot de problématiques. En automatisant l’exécution d’actions préétablies, en rendant leur modification impossible et en éliminant toute intervention humaine, les contrats intelligents transforment en profondeur la manière dont la confiance s’établit. On ne fait plus confiance à une personne ou à une institution, mais à un programme informatique qui exécute automatiquement ce qui a été prévu. Cette évolution ouvre la voie à des applications d’une ampleur inédite, mais elle appelle aussi à une réflexion collective sur les mécanismes de correction, de responsabilité et de gouvernance que nos sociétés souhaitent maintenir.