Définition
Un bridge (ou pont inter-chaînes) désigne un protocole permettant de transférer des actifs, des données ou des informations d’une chaîne de blocs à une autre. Les chaînes étant conçues comme des systèmes indépendants, chacune avec ses propres règles de consensus, son propre registre et ses propres mécanismes de sécurité, elles ne peuvent pas communiquer directement entre elles. Le rôle du bridge est donc d’assurer cette interopérabilité en reproduisant sur une chaîne B l’effet d’une action réalisée sur une chaîne A, sans que les deux environnements partagent un état commun.
Fonctionnement général
Dans la plupart des cas, un bridge ne déplace pas réellement un actif d’une chaîne vers une autre. Au lieu de transférer physiquement le jeton d’A vers B, ce qui est impossible puisque les registres sont distincts, le bridge procède généralement de la manière suivante. Dans un premier lieu, l’actif est verrouillé sur la chaîne d’origine, et une version équivalente (souvent appelée wrapped token) est émise sur la chaîne de destination. Ensuite lorsque l’actif doit revenir sur la chaîne initiale, la représentation émise est détruite et l’actif original est débloqué. Ce mécanisme permet de préserver la cohérence économique entre les chaînes tout en assurant la mobilité des actifs.
Exemples de bridges
Wormhole (Solana ↔ Ethereum et multichaînes, L2s comprises)
Wormhole est l’un des bridges les plus utilisés pour connecter Solana à Ethereum ainsi qu’à plusieurs autres chaînes comme Avalanche, Polygon ou la BNB Chain. Il fonctionne grâce à un réseau de « gardiens » chargés d’attester qu’un transfert a bien eu lieu sur la chaîne d’origine avant de déclencher la création du jeton correspondant sur la chaîne de destination. Ce modèle permet une communication rapide entre chaînes très différentes, ce qui a contribué à sa popularité, mais il repose sur un comité identifié, ce qui implique un certain niveau de confiance envers ces validateurs intermédiaires.
Polygon Bridge (Ethereum & ses L2s ↔ Polygon)
Le Polygon Bridge est le mécanisme natif permettant de déplacer des actifs entre Ethereum et Polygon. Il repose sur deux variantes : le PoS Bridge, rapide et adapté aux transferts courants, et le Plasma Bridge, plus sécurisé mais plus lent en raison de délais de sortie plus importants. Ce bridge est largement utilisé pour permettre aux utilisateurs d’accéder à l’écosystème Polygon, où les transactions sont moins coûteuses et plus rapides que sur Ethereum, tout en conservant la compatibilité avec les standards ERC-20 et ERC-721.
Arbitrum Bridge (Ethereum & ses L2s ↔ Arbitrum)
Le bridge officiel d’Arbitrum permet de transférer de l’ETH et des tokens ERC-20 vers la solution de seconde couche Arbitrum One. Comme Arbitrum fonctionne avec un mécanisme de rollup optimiste, les retraits vers Ethereum nécessitent un délai d’attente correspondant à la période durant laquelle des preuves de fraude peuvent être soumises. Ce fonctionnement garantit l’intégrité du système tout en permettant des frais beaucoup plus bas et une scalabilité bien supérieure à celle d’Ethereum.
Avalanche Bridge (Ethereum & ses L2s ↔ Avalanche)
Conçu par Ava Labs, l’Avalanche Bridge est réputé pour son niveau de sécurité élevé, en partie grâce à l’utilisation de technologies matérielles sécurisées (SGX). Il permet aux utilisateurs de transférer des actifs ERC-20 depuis Ethereum vers le réseau Avalanche, où ceux-ci peuvent être utilisés dans un écosystème DeFi particulièrement riche. L’Avalanche Bridge met aussi l’accent sur la facilité d’utilisation, ce qui en fait l’un des bridges préférés des investisseurs cherchant à passer d’Ethereum à un réseau plus rapide et moins coûteux.
Enjeux de sécurité
Les bridges sont des composants particulièrement sensibles, car ils doivent prouver qu’un événement sur une chaîne s’est produit afin de déclencher une action équivalente sur une autre. Comme les chaînes ne peuvent pas vérifier directement l’état l’une de l’autre, les bridges s’appuient soit sur des acteurs tiers (validateurs ou oracles), soit sur des preuves cryptographiques complexes. Une défaillance dans ce processus peut permettre de créer de faux actifs sur une chaîne, entraînant d’importantes pertes financières. À ce titre, les bridges sont parmi les éléments les plus ciblés et les plus vulnérables de l’écosystème interopérable.
Conclusion
Un bridge est donc un mécanisme essentiel permettant la communication et la circulation d’actifs entre chaînes de blocs indépendantes. En conciliant l’absence d’état partagé avec la nécessité d’interopérabilité, il occupe une place centrale dans l’architecture multichaîne actuelle, tout en demeurant un point critique de sécurité en raison de la confiance qu’il doit gérer et des preuves qu’il doit établir.