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Amalgame entre le marché de l’art et les technologies : la vente d’œuvres grâce à la chaîne de blocs est désormais réalisable

À l’heure actuelle, la chaîne de blocs demeure une technologie émergente dont le plein potentiel n’a pas encore été atteint. Alors que celle-ci commence à s’établir de manière plus marquée dans notre quotidien, on observe une diversification des opérations qui peuvent y être effectuées, et ce, afin de répondre aux besoins d’une société en constante évolution. Ainsi, de nouveaux usages prennent de l’expansion et donnent lieu à des pratiques qui n’avaient, à ce jour, jamais été possibles. Parmi celles-ci, on compte la vente d’œuvres d’art grâce à la chaîne de blocs; opération qui ne cesse de gagner en importance depuis les dernières années. De fait, le volume de transactions réalisées a plus que doublé entre 2018 et 2019 et, dernièrement, un record a été atteint : le prix de vente le plus élevé jusqu’à présent a été obtenu pour la vente d’une œuvre par l’entremise de la chaîne de blocs Ethereum.

Première vente aux enchères réalisée par Christie’s grâce à la chaîne de blocs

C’est sur la plateforme Christie’s que s’est réalisé cet exploit. Cette plateforme offre des services allant de l’immobilier aux œuvres d’art, que ce soit pour la vente, la gestion de collections, les services de musée, la gestion de patrimoine ou les successions. Les ventes peuvent s’y effectuer de manière privée ou aux enchères; cette solution a d’ailleurs été celle préconisée pour l’aliénation de l’œuvre nommée «Bloc 21», faisant allusion au nombre maximal de jetons en contrepartie desquels celle-ci pouvait être transigée. Cette création est une représentation du créateur anonyme de Bitcoin, Satoshi Nakamoto, et elle est divisée en deux parties : l’une physique et l’autre numérique. 

 
L’oeuvre d’art Bloc 21

L’oeuvre d’art Bloc 21

 

Représentation numérique de l’œuvre par des jetons

La partie numérique de l’œuvre est représentée par 21 jetons non fongibles (non-fungible tokens) qui sont transférés à leurs acquéreurs par l’entremise de la chaîne de blocs. Pour ce faire, le vendeur émet des jetons auxquels sont adossés des droits, lesquels peuvent prendre de multiples formes. En l’espèce, c’est plus spécifiquement un droit de propriété sur l’œuvre qui est concerné. Ainsi, chaque jeton représente 1/21 de la valeur de Bloc 21. Le fait que le nombre de jetons soit limité contribue à la nature spéculative de l’opération, créant un effet de rareté, tout comme c’est le cas en matière d’œuvres d’art. 

Intérêt pour les artistes

L’aliénation d’œuvres par l’entremise de la chaîne de blocs présente un intérêt certain pour les vendeurs. De fait, comme la chaîne de blocs transcende les frontières, les plateformes offrant de tels services bénéficient d’un élargissement du marché à l’échelle internationale. De surcroît, les jetons peuvent être émis une fois l’œuvre achevée, mais aussi avant que celle-ci ne soit débutée, ce qui constitue un mode de financement fort intéressant.  Les artistes peuvent donc scinder les droits sur leur œuvre offrant ainsi la possibilité aux acheteurs d’en acquérir une fraction sous forme de jetons.

Intérêt pour les acquéreurs

Pour ce qui est des acheteurs, cette façon de faire peut être avantageuse dans la mesure où elle permet d’obtenir un droit de propriété sur une œuvre sans avoir à l’acquérir en entier. On discerne surtout un intérêt en ce qui a trait à la fonction d’investissement; l’acheteur pouvant espérer réaliser un profit lors de la revente de son droit, le cas échéant. Les jetons peuvent ainsi être un outil intéressant de diversification du portefeuille financier, limitant les risques reliés aux aléas du marché. Par ailleurs, alors que certains consommateurs d’art désirent transiger en toute confidentialité, les chaînes de blocs publiques permettent généralement l’utilisation de pseudonymes. En somme, le démembrement des droits de propriété sur une œuvre et leur inscription sur des jetons peuvent constituer un moyen intéressant pour les acquéreurs de supporter un projet artistique. 

Mise en garde

Alors que des considérations générales en matière de fraude font déjà l’objet de débats en ce qui a trait à la chaîne de blocs, la nature même du marché de l’art fait en sorte qu’il existe de la contrefaçon en certaines occasions. Par ailleurs, des inquiétudes peuvent naître en ce qui a trait à la conservation de l’œuvre physique : qui en est responsable? Qui sera imputable en cas de perte, bris ou vol? Y aura-t-il mitigation de ces risques? Qui assumera les charges relatives à la préservation de l’œuvre physique? La désintermédiation, caractéristique intrinsèque de la chaîne de blocs, n’entre-t-elle pas en conflit avec la nécessité d’assigner un tiers de confiance pour en assurer la conservation? Ce paradoxe, combiné à l’encadrement juridique flou en la matière, est source d’incertitude et de risques pour les investisseurs. Dans le même ordre d’idées, il convient de se questionner à savoir ce que vaut juridiquement une fraction d’une œuvre d’art. Les acquéreurs pourront-ils exercer des recours en vertu de leur « droit de propriété »? Si oui, contre qui? C’est donc avec prudence que les consommateurs d’art doivent effectuer leurs opérations sur les œuvres issues de la chaîne de blocs. 

Conclusion

Il ne faut toutefois pas « démoniser » la chaîne de blocs : elle constitue vraisemblablement un vecteur de croissance majeur pour le marché de l’art. Il suffit d’examiner les statistiques pour s’en convaincre. Chose certaine : les opérateurs doivent faire preuve de prudence pour ne pas se faire duper, en l’absence de protections spécifiques pour les investisseurs détenteurs de jetons. Il faut garder à l’esprit que la chaîne de blocs en est encore à ses balbutiements et que ses tenants et aboutissants, sur le plan juridique, sont susceptibles de se préciser dans les années à venir afin de répondre aux besoins actuels et sécuriser cette technologie. En définitive, la possibilité de vendre des œuvres d’art par l’entremise de la chaîne de blocs permet d’ouvrir de nouveaux marchés aux artistes et constitue un exemple de numérisation («tokenisation»), phénomène en croissance depuis les dernières années. Il sera donc fort intéressant d’observer les prochains développements en la matière. 

Anne-Sophie Godbout, étudiante à la maîtrise en droit des affaires 

Sources :

Site Web de Christie’s, https://www.christies.com/  (consulté le 15 octobre 2020)

Maxime Laglasse, «Une œuvre d’art crypto vendue 131 000 $ aux enchères via Christie’s», Clubic, 9 octobre 2020, en ligne : https://www.clubic.com/antivirus-securite-informatique/cryptage-cryptographie/crypto-monnaie/actualite-16693-une-oeuvre-d-art-crypto-vendue-131-000-aux-encheres-via-christie-s.html?fbclid=IwAR3s9W_YhSWwvbu7ESNEfMXTd-5W8Ejfzm9Z6Z0aboy8CbMqZU6FLI2ncWs