Pensez Blockchain

La référence en chaîne de blocs au Québec

 
 

 

   Défintion

 Au sein d’un protocole de finance décentralisée (DeFi), un contrat intelligent déployé sur une chaîne de blocs fonctionne dans un environnement très limité. Il possède un accès qu’à l’état de la chaîne sur laquelle il est exécuté (soldes, transactions, blocs, etc.) et aux données qui lui sont explicitement fournies dans les transactions. Il ne peut donc pas, par lui-même, aller consulter le prix du bitcoin sur un échange, vérifier la météo, le résultat d’un match ou même lire directement l’état d’une autre chaîne de blocs. Dès qu’un protocole DeFi a besoin d’une information extérieure (par exemple, « le prix actuel d’un BTC en USD »), il lui faut donc un intermédiaire chargé d’aller chercher cette donnée et de la lui transmettre de façon fiable : c’est le rôle de l’oracle.

Un oracle est ainsi un système technique (souvent un ensemble de contrats intelligents associés à une infrastructure hors chaîne) qui récupère des données provenant d’un autre environnement, (qu’il soit hors chaîne ou sur une autre chaîne de blocs), les agrège et les vérifie, puis les met à disposition des contrats intelligents des protocoles qui en ont besoin.

Cas pratique : AAVE

Prenons l’exemple d’un protocole de lending comme AAVE. Un utilisateur peut y déposer un jeton en collatéral (par exemple de l’ETH) et emprunter en échange un autre jeton (par exemple de l’USDC). Pour fonctionner correctement, le protocole doit savoir en permanence quelle est la valeur du collatéral déposé et si le prêt de l’utilisateur reste suffisamment couvert. Or, le contrat intelligent sur AAVE, seul, ne connaît pas le prix de marché de l’ETH. Il va donc demander le prix de ce jeton à un oracle. L’oracle va chercher ce prix sur une ou plusieurs sources externes (par exemple des échanges décentralisés comme Uniswap), agrège et filtre les données (moyennes, exclusion de valeurs aberrantes), puis publier régulièrement un prix de référence sur la chaîne de blocs. Aave utilise ce « prix oracle » pour évaluer la valeur du collatéral, déterminer si un emprunt est encore sûr et, le cas échéant, déclencher une liquidation lorsque la valeur du collatéral baisse trop.


Oracles dans l’écosystème des chaînes de blocs

Chainlink

Chainlink est l’acteur historique et dominant du marché des oracles. Son rôle a évolué bien au-delà de simplement fournir de la data sur les prix de jetons. Le protocole se positionne désormais comme une couche d’infrastructure complète, centrée sur l’interopérabilité. D’un côté, Chainlink a développé CCIP (Cross-Chain Interoperability Protocol), un protocole qui permet de transférer des tokens et des messages entre de nombreuses chaînes publiques et privées et qui est progressivement adopté par plusieurs projets orientés actifs tokenisés et RWA. De l’autre, il pousse Data Streams, qui consiste à diffuser des flux de données de marché à faible latence où les prix sont maintenus off-chain puis vérifiés et consommés on-chain à la demande. Cela permet notamment de viser directement les besoins des dérivés, perpétuels et marchés très sensibles au temps. L’innovation de Chainlink aujourd’hui se situe donc moins dans un nouveau modèle conceptuel d’oracle que dans la construction d’une suite intégrée d’outils (comme le price feeds, randomness, functions, interop cross-chain et data temps réel) destinée à servir de standard pour la finance décentralisée.

Pyth Network

Pyth est un autre type d’oracle, il se spécialise dans l’apport de données de marchés financiers en temps réel, avec deux axes d’innovation très marqués. D’abord, Pyth adopte un modèle appelé le first-party oracle. Ce modèle propose que ce soit directement des bourses, des teneurs de marché et institutions financières qui publient leurs données de prix au sein d’une chaîne de blocs, ce qui rapproche l’oracle de la source de liquidité effective et limite les intermédiaires. En continuant, Pyth coordonne aussi un modèle dit « pull » qui permet que les prix des actifs soit agrégés dans son propre réseau (en interne) et les applications sur d’autres chaînes viennent tirer (viennent “pull”) la donnée voulu au moment où elles en ont besoin, au lieu de subir des mises à jour régulières de la donnée sur chaque chaîne. Cela permet d’optimiser les coûts on-chain tout en conservant une granularité fine et une faible latence, notamment pour les cryptomonnaies, actions, ETF, et matières premières.

UMA

UMA esu un autre oracle qui innove surtout par son modèle d’oracle dit optimiste (Optimistic Oracle), conçu pour traiter des données potentiellement complexes ou ambiguës (résultats d’événements, indices, prix à une date donnée, etc.). Le principe est que la donnée proposée est considérée comme correcte tant qu’aucun acteur ne la conteste (principe déjà très présent chez les Optimistic Rollup). N’importe quel participant peut ainsi soumettre une donnée et si personne ne la remet en cause dans un délai donné, elle est acceptée. En cas de litige, le différend est déplacé vers le Data Verification Mechanism (DVM), un système de vote réalisé par les détenteurs du jeton UMA qui tranche sur la bonne valeur à accepter. Ce design permet de couvrir un spectre de données beaucoup plus large que le simple prix spot et s’adapte bien aux marchés de prédiction (Polymarket, Kalshi), aux assurances paramétriques (Etherisc, Arbol) et à certains produits dérivés où l’enjeu est de trancher une affirmation sur le monde réel plutôt que de publier un flux continu de prix.

Tellor

Tellor, enfin, se distingue par son approche totalement permissionless des oracles. Le protocole permet à n’importe qui de devenir reporter et de soumettre des données on-chain, à condition de mettre en jeu le jeton natif du protocole, $TRB, ce qui crée un alignement d’incitations autour de la qualité de l’information. Les données peuvent ensuite être contestées via un mécanisme de disputes : si une valeur est jugée suspecte, d’autres participants peuvent ouvrir un litige, et un vote (accompagné de risques de perte de jetons mis en jeu pour les reporters malhonnêtes) permet de maintenir l’intégrité du système. L’innovation de Tellor réside donc dans un oracle ouvert, vérifiable par tous, sans liste blanche de fournisseurs, qui vise à maximiser la décentralisation et la résistance à la censure dans la fourniture de données off-chain par n’importe quel détenteur de son jeton.

Conclusion

Au final, les oracles constituent une brique d’infrastructure centrale pour la finance décentralisée. Ils permettent de connecter la DeFi à des prix de marché, à des données climatiques ou à des événements du monde réel, au prix d’une nouvelle couche de confiance : la fiabilité de la donnée fournie. Les différents modèles d’oracles, qu’il s’agisse d’infrastructures dominantes comme Chainlink, de réseaux de données temps réel comme Pyth, d’oracles « optimistes » comme UMA ou de solutions permissionless comme Tellor, proposent chacun un compromis spécifique entre décentralisation, latence, coûts et gouvernance. Une grande partie de la robustesse des protocoles DeFi dépend ainsi de la façon dont ils choisissent, combinent et intègrent ces oracles dans leur architecture.